Pierre Duterte


Ecoliers de Kaboul

“photographies”

 

du 11 au 29 novembre 2014

from 11  to 29 november 2014

 

 

Pierre Duterte

…Qu’une main sorte du mur…

Voici maintes années que les photos de Pierre Duterte se sont imposées aux amateurs. Pour quelles raisons ?
Chacun aura les siennes, tous en partagent une : ces images sont humanistes. Elles ne doivent rien à l’esthétique,
c’est -à- dire à la mode, autrement dit, à la convention fugace.

Personne ne croit évidement plus que la photo sait un art  « objectif » sous prétexte qu’elle est le produit d’un
phénomène physico-chimique : le choc de photons sur une surface sensible. Il a suffi d’examiner les portraits de personnages d’autrefois par Nadar, par exemple, pour se convaincre que des êtres de chair et d’os ne pouvaient
présenter cet aspect de statues pour le Musée Grévin. C’était le génie satirique secret de Félix Tournachon – vrai nom
de Nadar- qui leur prêtait cet apparence empaillée ou momifiée et en tout cas solennelle et radicule : du Daumier
photographique. Quand Baudelaire se présenta devant sa boite à images, il ne s’y trompa pas : c’était un humain
véritable qu’il fixa sur la pellicule pour les générations futures.

Les photos de Duterte sont humanistes parce qu’elles incitent à regarder l’Autre. Le démarche est philosophique et chiffonne la xénophobie qui sommeille au fond de l’humain, pour qui ce qui est étranger risque toujours d’être hostile, donc inhumain. Bien peu entre nous, s’ils les croisaient dans la rue, arrêteraient leur regard sur les sujets préférés de
Duterte, des inconnus, hommes, femmes, vieux, jeunes, venus d’un pays lointain qu’on tiendrait volontiers pour une autre planète. Charges des stigmates de l’infortune, de la persécution, de la torture, ils sont l’antithèse parfaite de ces favoris des paparazzi, les stars. Et Duterte, lui, en fait des stars.

Réfugies d’Afrique ou enfants d’Afghanistan, qu’importe : ce sont eux qui nous regardent. Ils nous interpellent :
« Je suis l’Autre, ne me reconnais-tu pas ? » Alors, il nous faut bien reconnaître que ce soit des frères ou des sœurs,
nos enfants.

Je confesse que ces photos m’ont inspiré un fantasme : que par un sortilège de l’espace-temps, quand on les regard
bien, une main sorte du mur. Celles du sujet. Si c’est un adulte, je l’inviterais à prendre un thé. Et si c’était un enfant,
je l’emmènerais au marché et je lui demanderais de quel fruit il a envie…

Tel peut être l’effet des photos de Pierre Duterte. Gerald Messadie